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Autre article : Toute vie vaut la peine d'être vécue

DIS MAMAN POURQUOI JE SUIS NÉ ?

Le 17 novembre 2000 ; la cour de cassation faisait jurisprudence en accordant une indemnisation financière à Nicolas PERRUCHE, adolescent de 17 ans, né gravement handicapé des suites d’une rubéole non diagnostiquée pendant la grossesse de sa mère. Cette rubéole avait été recherchée mais les résultats ont été mal interprétés. Les fautes du médecin et du laboratoire ont été reconnues. D’après la cour, l’enfant peut demander la réparation du préjudice résultant de cet handicap causé par les fautes retenues puisque celles-ci ont empêché sa mère d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse.

Le préjudice de l’enfant est ici d’être né dans un état impossible à évaluer. Il faudrait comparer ‘l’être’ et le ‘non-être’. Selon quelles normes de qualités (et fixées par qui ?) les divers handicaps ou particularités de tout être humain seront-ils considérés comme des préjudices réparables ?

L’arrêt conduit a reconnaître que la vie peut être un préjudice tant pour celui qui lui doit son existence que pour les tiers et la société en générale. L’être humain tend à être conçu comme le produit, réussi ou raté, du pouvoir médical.

Cette affaire a été ressentie comme une blessure personnelle par les parents d’enfants qui se battent pour le respect de la dignité de leurs enfants. « Les parents considèrent cette affaire comme une expression de mépris pour eux-mêmes et pour leurs enfants » a expliqué Me Antoine BEAUQUIER, avocat du CCH (Collectif Contre l’Handiphobie).

Sophie LUTZ a une petite fille de 9 mois, Philippine. Le bébé ne voit ni n‘entend. Elle déclare : « ce n’est pas un préjudice mais un défi ».

Novembre 2001, la Cour de cassation confirme cet arrêté en accordant à nouveau une aide financière à un enfant trisomique de 6 ans. Cette fois-ci, les parents ont invoqué dans leur requête la notion de préjudice esthétique et l’intérêt de la vie d’un trisomique.

La lutte contre l’arrêt Perruche se resserre. Nous pourrons porter plainte car notre aspect physique peut déplaire. Ségolène Royale l’a dit elle-même : « toute vie vaut la peine d’être vécue », nous ne pouvons pas indemniser quelqu’un sous prétexte que sa vie serait sans intérêt. Chacun a ses capacités et chacun a une force qu’il peut partager avec son entourage.

Le 10 janvier 2002, une loi est ‘enfin’ votée par les députés pour mettre fin à l’arrêt Perruche. Le débat sur les conséquences de la confirmation de l'arrêt Perruche aura été ouvertement mené et tranché, en cinq semaines, sous la pression des échographes et des gynécologues qui se sont mis en grève.

Si cet arrêté a été annulé c’est grâce au corps médical. En effet, tous les professionnels médicaux ont fait pression pour l’annulation de l’arrêt en question. Beaucoup de procès auraient été ouverts ce qui auraient été onéreux pour leurs assurances. Celles-ci n’intervenaient auparavant qu’en cas de responsabilité dans l’origine du handicap-même : erreur dans un soin, accident. Avec cette loi, tout handicap apparaissait comme relevant de la responsabilité civile et donc des assurances. L'arrêt Perruche n'a donc pas été supprimé grâce à une soudaine prise de conscience par rapport au prix de la vie.

Qui peut juger la valeur d'une vie? Qui peut dire que un tel à droit de vivre alors que tel autre non? La différence est-elle synonyme de malheur? Le bonheur se traduit-il par "la perfection" au sens où notre société le définit?

Créer un « Service Après Vente » des naissances reviendrait à comparer les enfants à des biens matériaux. Le préjudice de la naissance d'un enfant handicapé l'est bien souvent plus pour ses parents que pour lui-même, et dans les cas cités ici, ce n'est jamais la voix de l'enfant qui se fait entendre... On peut se demander si ce n'est pas l'ego mal placé de certains parents qui provoquerait cela, et s'ils tolèrent effectivement que leur enfant ne soit pas parfait.

Désormais, nul ne pourra plus demander réparation du fait de sa naissance.

Ceci donne à réfléchir : si nous ne freinons pas l’abus, n’allons nous pas revenir vers une forme d’eugénisme ?

Karine BIZETTE
Fanny BOURGEOIS

Janvier 2002.