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NAÎTRE ET VIVRE AVEC UN HANDICAP

Il est difficile de parler de son handicap, mais je vais essayer d'apporter mon témoignage.

Je m'appelle Corinne. La nature a voulu que je naisse avec un handicap qui a touché mes quatre membres. En effet, il me manque mes deux tibias et je n'ai que deux doigts à ma main gauche et un doigt à ma main droite. Ma venue a bien-sûr profondément touché mes parents. Je suis le troisième enfant de la famille, ma sœur et mon frère sont "normaux". Ce fut un choc très dur, mais mes parents ont su réagir très vite et m'aimer. Après de nombreuses interventions chirurgicales, j'ai pu être appareillée et marcher à l'âge de trois ans. Quant aux problèmes de mes mains, il n'y avait rien à faire mais seulement apprendre des astuces pour tous les gestes de la vie quotidienne : manger, se laver, s'habiller, écrire, mettre les lacets… Mon apprentissage a été rapide et mon autonomie facile à acquérir. Quand je suis rentrée à l'école, je n'ai eu aucun problème. Je suis toujours allée dans des écoles dites "normales" et j'étais très bien acceptée par les autres enfants. Ma scolarité s'est déroulée normalement et mon niveau d'études est le BTS Secrétariat de Direction. Je travaille maintenant en tant que secrétaire dans un service de Ressources Humaines, et j'ai ma voiture. Je suis aimée et entourée de ma famille et mes amis et c'est ce qui me donne du courage.

La deuxième partie de mon témoignage est plus ciblée sur ce que je ressens. En effet, lorsque l'on naît avec un handicap, on sait très bien qu'il faudra le supporter toute sa vie. La période de l'adolescence et de l'âge adulte est très difficile. On ne surmonte pas un handicap, mais on adapte sa vie à son handicap. Il faut sans cesse lutter et avoir une grande force intérieure. S'il me faut faire un choix entre toutes les difficultés rencontrées, je dirais avoir éprouvé un sentiment de solitude difficile à supporter. Mais il y a autre chose qu'il faut apprendre à accepter qui est le regard des autres. Il est vrai que je suis différente des autres, mais après tout, chaque personne a sa différence. Simplement, certaines différences se voient plus que d'autres. Lorsque je me promène, les gens sont attirés et regardent d'abord ma démarche avant de regarder mon visage. J'ai tellement envie que l'on me regarde autrement ! Il est vrai que je vis une vie bien différente de celle dont j'ai rêvée, mais il faut vivre quand même. Il faut construire sa vie, parfois mieux remplie que ceux qui disposent de toutes armes. Toujours la tête haute, jamais dire que ça ne va pas est ma devise. Mais il y a des jours où j'en ai marre de me battre, après tout pourquoi moi ? Je ressens comme une impression d'échec dans ma vie. Mais il faut toujours reprendre le dessus. Prendre le handicap comme excuse pour ne rien faire est à mon avis la plus grande lâcheté qui existe, car le handicap n'est pas une raison pour ne plus rien faire de sa vie. Avec de la volonté, on peut franchir des murailles. Chacun doit trouver ce qui lui convient le mieux pour construire sa vie. En ce qui me concerne, je fais deux activités en dehors de mon travail, qui sont compatibles avec mon handicap. En premier, je pratique la natation qui est un loisir que je fais à mon rythme. La deuxième activité est la chorale qui est devenue une véritable passion. La chorale me permet d'avoir des contacts avec des personnes extérieures et de tout âge et d'oser franchir le regard des autres grâce aux divers concerts que l'on donne. Apprendre et se lancer dans quelque chose est une façon de combattre le handicap. Il faut y mettre du sien, avoir du courage, et ne pas baisser les bras. Ce n'est pas facile et cela prend du temps. C'est dans l'union familiale, amicale et associative que s'obtiennent les plus belles victoires.

Pour poursuivre, je voudrais maintenant m'adresser aux personnes dites "normales" qui liront cet article. En effet, certains n'ont, ni dans leur famille, ni dans leur entourage, une ou plusieurs personnes handicapées. Ainsi, ils ne fréquentent jamais de personnes différentes d'eux. C'est pourquoi je suis en colère après la société. Je souhaiterais tant que vous puissiez changer le regard que vous portez habituellement sur le monde des personnes handicapées. Une personne handicapée est d'abord une personne qui, comme les autres, a besoin d'aimer et d'être aimée. Il ne faut pas avoir peur d'aborder une personne handicapée car elle est capable d'entrer en relation et de transmettre ses richesses. Ce qui me déçoit le plus, c'est que l'on ne regarde pas le caractère et la gentillesse de la personne, mais plutôt le physique. Pourquoi les personnes handicapées n'auraient-elles pas le droit au bonheur ? Osez nous aborder tout en restant naturel !

Maintenant, parlons de l'Association Denise LEGRIX. Lorsque je l'ai connue, je dois avouer que j'étais assez impressionnée de voir tous ces gens privés en totalité ou partiellement d'un ou plusieurs membres. Je ne me sentais pas très à l'aise, car j'avais mal pour les autres et je me trouvais favorisée. C'est après des journées d'amitié, et plus particulièrement après le camp de vacances, que j'ai commencé à m'intégrer au groupe. Cependant, lorsque je suis rentrée chez moi après ce camp, j'étais encore plus triste qu'avant et j'étais devenue agressive envers les "normaux". Sans doute parce que je n'ai pas été habituée à vivre qu'avec des personnes handicapées. L'Association m'a apportée un soutien moral car elle m'a prouvée que je n'étais pas seule à subir le handicap et qu'il y avait toujours pire que soi. D'autre part, j'aime discuter avec d'autres parents ou d'autres jeunes de mon âge pour échanger nos idées dans divers domaines. De plus, j'espère avoir rassuré et donné confiance à quelques enfants grâce à mon expérience.

J'espère que mon témoignage, d'une part aidera et guidera certaines personnes vivant avec un handicap, et, d'autre part, fera connaître aux personnes dites "normales" ce qu'un individu ressent lorsque l'on vit avec un handicap. En conclusion, je voudrais dire qu'il ne faut jamais s'apitoyer, jamais dramatiser. Denise LEGRIX nous répète toujours que ce n'est pas facile, mais elle nous prouve que c'est une chose réalisable avec de la fermeté et de l'énergie. il faut réaliser ce dont on est capable et tenter de toujours progresser.

Corinne MURIS

Janvier 1999.